KARACTEIR UESH.

Parler peu pour mieux penser. C'est comme ça que Coraline voit les choses. Elle vous écoute, oscille vaguement la tête, regarde en l'air et danse d'un pied à l'autre. Elle a l'air de vous écouter, mais en fait, rien du tout.

Coraline ressemble à une fille sans personnalité, un pantin vide sortant tout juste d'une usine. On dirait qu'elle n'a pas de goût, qu'elle suit les autres, qu'elle ne vous contredit jamais, mais si vous pouviez lui ouvrir le bide, vous y verriez une galaxie. Ce n'est pas un robot, elle pense elle aussi. Vous contredit, possède ses propres goûts, mais elle trouve ça plus facile d'être d'accord avec les gens que de les interrompre. Elle n'aime pas se fatiguer pour rien, et parler est l'action qui lui demande le plus d'énergie. C'est aussi un peu un système d'auto-défense. Comment blesser quelqu'un qui ne possède aucune conscience ? Les insultes, elle répond pas, les provoques, idem. Quand elle connaît pas, elle ignore, rien de plus simple. Et si vous allez trop loin, elle vous fixe, longtemps, se retourne et se casse sans même soupirer. Avant, c'était une personne à sang chaud qui réagissait au quart de tour, mais depuis qu'elle s'est rendue compte que la vie était beaucoup plus facile lorsqu'on en avait plus rien à faire, elle se laisse aller. Malgré tout, Coraline est humaine, et même si elle s'efforce de paraître indifférente, dans le fond, certaines paroles peuvent l'atteindre. Elle rougit facilement, rigole facilement, s'énerve facilement, mais elle le cache parce qu'elle n'a pas envie d'avoir une vie compliquée. Et quand les gens arrivent à la faire rire, pleurer, ou à la mettre en colère, elle commence à dire que tout ce qui se trouve autour d'elle pue et se elle se casse.

La jeune fille est le cliché parfait de la femme qui dit toujours l'inverse de ce qu'elle pense. Ce collier lui plaît ? "Non il pue". Les bébés animaux sont mignons ? "Non ça pue". Elle a besoin d'aide ? "Ton aide elle pue". A force, ça devient facile de repérer lorsqu'elle ne pense pas vraiment ce qu'elle dit. Quoiqu'il arrive, "ça pue". Et si ça pue pas, c'est que c'est forcément vrai. Mais elle ne préfère s'ouvrir qu'avec les gens qu'elle connaît vraiment bien, ceux avec qui elle est sûre de ne pas avoir le moindre problème plus tard.

Pour ce qui est de la vie en communauté, là, c'est plus du tout la même Coraline. Autant, seule ou avec des gens qu'elle ne connaît pas, elle peut paraître froide, stoïque, coincée... autant dès qu'elle se trouve en la compagnie d'une personne appréciée (même si c'est pas réciproque krr krr krr), là, elle devient vraiment chiante. Dès que vous ouvrez la bouche elle vous fait taire, passe ses mains au-dessus des vôtres pendant que vous vous les laver, dessine des zizis dans vos cours, vous fait croire que ses feutres sentent le fruit et achète le super déo censé sentir bon le chocolat mais qui est actuellement le plus gros échec de l'humanité, et ça, rien que pour vous le prêter en cours de gym. Lorsqu'elle vous voit dans la cours, même si vous avec un casque pour écouter de la musique qui dit clairement : Ne pas approcher. Elle s'en fout, elle vient vous sauter dessus en passant son bras autour de votre cou. Le seul moyen de s'en débarrasser, c'est de fréquenter des gens qu'elle ne connaît pas, dans ce cas-là, elle préfère se faire oublier.

Tant qu'elle vous dit que vous puez ou que vous êtes nul, c'est qu'elle vous apprécie un peu. A partir du moment où elle commence à vous complimenter. Quoiqu'il arrive, cherchez l'ironie qui se cache derrière car ça ne vient jamais du cœur.

HISTOIRE MOTHAFUCKAH

Cheveux noirs, yeux bleus, ses sillons nasaux creusent son sourire irrésistible, autour d'eux, les pétales de fleurs pleuvent derrière la fenêtre et laissent à leurs ombres le soin de rappeler aux adolescents que le temps ne s'est pas encore arrêté. Le soleil fait luire ses yeux comme il l'aurait fait à la surface d'un océan. Ses dents blanches s'entrouvrent et laissent sa langue mener l'orchestre de sa voix.

« Bon, tu passes ? »

« ... Hein ? »

Le garçon qui lui tient la porte, c'est Toni, le BG du bahut. Toutes les filles craquent pour lui, et dans le tas, Coraline. Une fille banale, sans histoire et sans secret. Elle fait partie des nunuches qui ont succombé à son charme comme des morues stupides.

Face à la tête de poisson qu'affichait la jeune fille, Toni s'exaspère et désigne le passage du menton.

« Je vais pas te tenir la porte 3h alors dépêche-toi ! »

« Oh, heu, oui, merci désolée. »

Elle s'empresse de passer, et entend le garçon souffler d'agacement dans son dos. Coraline fait partie de celles qui aiment Toni, et Toni fait partit de ceux qui se prend de haut et ignore le monde entier depuis son estale. Pour eux deux, leur amour est clairement voué à l'échec, mais même si c'est une évidence pour le ténébreux de l'établissement, Coraline, elle, ne s'en doute pas du tout et continue de croire aux "signes".

« Ses yeux ! Mon Dieu vous avez vu ses yeux ?!! »

« Ouuuii Coco, ça fait la 52ième fois que tu nous en parle... »

« Il est tellement beau ! J'aimerais tellement lui parler mais je n'ose pas. »

« T'as qu'à lui écrire une lettre. »

Une lettre ? Pourquoi elle n'y a pas pensé ? Le soir venu, elle s'empresse de sortir sa plume et prépare un brouillon. " Cher Toni " Non, ça sonne pas bien. " Beau Toni " Trop nul. " Hé beau brun... " Hmm...

Elle y consacre sa soirée entière pour au final n'y écrire qu'un vulgaire " Toni, je t'aime... ". Le lendemain, elle l'attend à la grille, l'enveloppe en main, et lorsqu'il arrive enfin, son cœur bat si fort qu'elle a l'impression d'avoir un tambour dans son thorax. Ses mains tremblent et sa voix ressemble à celle d'un petit garçon entrain de muer. Jamais ses cordes vocales n'ont pu atteindre un tel aigu. Lorsqu'il arrive enfin à sa hauteur, il la repère, elle s'arrête de respirer, il baisse les yeux, voit la lettre et s'empresse de changer de direction pour la contourner.

La finnoise ne se doute même pas une seconde qu'il l'évitait volontairement et elle fait un pas chassé pour entraver son chemin. Il la regarde froidement à travers sa mèche, aucune expression sur ses lèvres. Elle lui tend la lettre, il la met en poche sans la regarder et continue sa route.

C'est instant que l'adolescente prit conscience de ce que ce gars était en réalité.

« ... Tu... Tu ne la lis pas ?... »

« Je l'ai prise pour te faire plaisir, je ne veux pas lire quelque chose que je ne veux pas. »

« Mais... Elle n'est pas longue. »

« Tant mieux alors, je ne rate pas grand chose donc. »

« Mais c'est... »

« Attends, me dis pas que t’espérais quelque chose ? Tu t'es vue ? T'es pas sexy, t'as les cheveux tout plat, t'as aucun style, tu parles fort, tu ris fort et tu as toujours le même sac depuis 2 ans. »

Connard, enfoiré, crétin, stupide, laid, pouilleux, dégueux, sale. Tous ce qu'elle s'était efforcée d'ignorer jusqu'ici lui retombent dessus comme un pavé de brique. La colère monte en elle, comment a-t-elle pu tomber amoureuse d'un sale type comme lui ? D'un geste brusque, elle récupère sa lettre, hésite à le la lui foutre en bouche mais se contente de tourner les talons et de l'ignorer à jamais.

Les premiers jours, Coraline en a pleuré jusqu'à n'en plus savoir respirer, et puis un soir, en regardant l'horizon, adossée contre le balcon, quelqu'un lui a dit : La vie est plus facile depuis que je n'en ai plus rien à faire. Elle a fermé les yeux instant, et a réfléchit. C'est vrai, qu'est-ce qu'elle en avait à faire que ce mec la trouve naze ? Que le contrôleur du train lui dise qu'elle n'articule pas bien, que les profs la trouvent molle et que son voisin de table lui dise qu'elle a une sale écriture. Pourquoi se faire du mal alors que l'humain possédait des paupières spécialement pour cette raison ? Cette nuit-là, elle a décidé de ne plus jamais rouvrir les yeux -au sens figuré hein krr krr-. Dorénavant, quoi qu'il puisse arriver, quoi qu'on puisse lui dire, elle fermera les yeux et passera son chemin.