La muette tournait les pages de son livre avec une fatigue évidente. Le développement du scénario lui donnait envie de passer par la fenêtre. Ce pauvre soldat qui avait traversé les champs de bataille du monde entier avec comme seule réconfort sa famille restée chez lui et qui, finalement, découvrait sa maison effacée par une bombe. Joie.

Ce qui fallait à Heather, c'était du bonheur, dans les mots, dans les phrases. Du bonheur.

Elle soupira et s'étala sur la table. Assise juste à côté d'une fenêtre, elle leva les yeux vers le ciel triste tandis que la pluie battante s'écrasaient contre le carreau.

Elle ferma les yeux.
Elle rêva d'un petit bout de soleil, de ciel bleu et de nuage blanc.
Elle rouvrit les yeux.

Rien n'avait changé au dehors, mais la simple image du beau temps avait remonté son morale.

Le regard divaguant sur les étagères pleines à craquer de livres, elle finit par simplement prendre son carnet et son fidèle crayon gris, puis griffonner quelques esquisses de ciel bleu seulement à travers ses yeux.

Heather s'était coupée du monde une fois son crayon dans la main.
Le dessin n'était pas sa passion - Elle n'en avait guère pour le moment - mais c'était quelque chose qui la détendait facilement. Et aussi l'une des seules choses qu'elle pouvait faire pour ne pas s'ennuyer.

Alors, lorsque une voix douce se fit entendre par dessus son épaule, elle sursauta comme ce n'était pas possible de le faire.

« Tu dessines bien ! » On lui dit.

Elle sourit poliment comme elle le faisait toujours, et saisit une autre page - autre que celle où se dessinait son ciel, j'entends - avant d'écrire un large ❝ Merci ❞ sur toute sa surface.

Un geste qu'elle regretta ensuite, lorsqu'elle eu une idée pour continuer la discussion.
Gaspilleuse. De. Papier.

❝ Tu es tout seul ? ❞ Elle écrit, en colère contre elle même pour une si petite chose.

Une nouvelle fois encore, la petite Heather fit dériver son regard vers la fenêtre à côté d'elle. La pluie n'avait pas stoppé son perpétuel mouvement; Et la muette devina qu'il n'était pas prêt de s'enrayer. Alors, Heather comprit pourquoi la bibliothèque accueillait plus de personnes qu'en temps normal: La plupart d'entre elles étaient des réfugiées.

La châtaigne, regardant d'en bas le ciel, n'avait pas su comprendre une chose aussi simple, car le sort de ceux à l'extérieur ne l'avait pas intéressé une seule seconde. Et soudain, elle se sentit égoïste sans que cela ne l'eut vraiment été.

L'égoïste, donc, replaça son regard sur le jeune garçon lorsqu'il l'interrogea à son tour.
Elle lui sourit doucement, avant de noter un

❝ Plus maintenant ❞

sur son carnet qu'elle reposa sur la table. Là, elle décala d'une chaise avant d'en tirer une autre, invitant l'inconnu à s’asseoir d'un mouvement de tête.

« C'est pénible ce temps n'est-ce pas ? »

Heather acquiesça, pensive. Ce genre de réplique la projetait 70 ans dans le futur, lorsque les seuls sujets de conversation intéressants seront Amour, gloire et beauté ou la météo. Cette idée la fit rire intérieurement, et un mince sourire transparu sur son visage. Faites que le jeune garçon ne croient pas qu'elle se moque de lui.

Le jeune garçon... Il était Alister maintenant.

❝ Moi, c'est Heather. ❞

Elle se présenta, toujours aussi souriante malgré la pluie qui claquait contre le verre de la fenêtre. Le mauvais temps finira par passer. D'ailleurs, lorsque ce sera le cas, elle se demanda si ça changerait grand chose pour elle: Elle se voyait bien rester encore un peu de temps à la bibliothèque.

❝ Moi, je suis venue pour étudier. Tu devrais faire pareil. Et si tu ne comprends pas quelque chose, je veux bien t'aider. ❞

À Falcone, les Appesos étaient tellement des reclus de la société qu'il fallait impérativement se raccrocher à quelque chose, n'importe quoi, pour s'assurer une place pour l'avenir. Ces moments d'études allaient lui sauver la peau pour plus tard.